Seuils
Nathalie Bachand, Conseil des arts du Canada
Mécanismes entropiques et appareils remodelés : Michel de Broin et l’inconscient technologique
Daniel Sherer, Musée d’art contemporain de Montréal
Les châteaux de sable
Michel de Broin, Inter, art actuel #130
Entre le possible et l’impossible
Nathalie de Blois, Musée national des beaux arts du Québec
Sculpture of Steel, City of Nerves
Bernard Schütze, Espace art actuel
Michel de Broin at Bitform Gallery
Darren Jones, Artforum
Michel de Broin
Bryne McLaughlin, Art in America
Disruption From Within
Rodney LaTourelle, Plug-In ICA
La disspiation sur le virage
Laetitia Chauvin, Esse
A Logic of Being Against?
Bernard Lamarche, Parachute
Entrevue
Michel de Broin, Etienne Zack, Mass MoCA
Michel de Broin BMO Project Room
Bryne McLaughlin, Canadian Art
Montreal’s Retired Metro Cars Are Staying Busy
Mark Byrnes, City Lab
Where is Michel de Broin?
Anne Schreiber, Art Net Magazine
Interview with Michel de Broin
Regine, We Make Money Not Art
Une oeuvre monumentale
Éric Clément, La Presse
Construire des chateaux… Dans le ciel de Toronto
Éric Clément, La Presse
Michel de Broin: une oeuvre publique à sauver
Éric Clément, La Presse
Castles Made of Sand
Bryne McLaughlin, BMO project Space
Le vivre ensemble
Annie Gérin, Presses de l’Université Laval
Un électron libre aux confins des genres
Jérôme Delgado, Le Devoir
Danger awakens the senses: An interview
Oli Sorenson, MKOS
Un Michel de Broin un brin solennel mais redoutable
Benedicte Ramade, Zéro deux
Bright Matter
Sarah Milroy, Canadian Art Magazine
Michel de Broin
John K Grande, Border Crossings magazine
Cities of Light
Bryne McLaughlin, Canadian Art Magazine
Michel de Broin: From Mad Scientist to Pied Piper
Shannon Anderson, Canadian Art
Une éternelle semence
Jérôme Delgado, Le Devoir
Michel de Broin at Mercer Union
Alex Snukal, Uncubed Magazine
Énergie réciproque
Bénédicte Ramade, MacVal
Pièces à conviction
Marie-Ève Charron, Le Devoir
Neue Heimat
Bernard Schutze, Berlinische Galerie
L‘art comme conspiration
Jean-Ernest Joos, ETC Montréal
Propulsion and entropy
Bernard Schutze, C-Magazine
Reverse Entropy
Thomas Wulfen, Kunstlerhaus Bethanien
Objeux pour Objoies: l’attrait de l’imprévisible
Stephen Wright, Semaine
Épater la Galerie
Jean-Ernest Joos, Villa Merkel
L’espace public mis à nu par l’artiste même
Jean-Philippe Uzel, Spirale
Résistance?
André-L. Paré, Etc. Magazine

Les châteaux de sable, Michel de Broin

Inter, art actuel

Installée au 68e  étage de la tour de la banque BMO à Toronto, l’installation Les châteaux de sable cherche à entrer profondément dans l’imaginaire de l’établissement financier. Elle s’apparente à une ligne de production industrielle dévouée à la construction désespérée de châteaux de sable. Le paradoxe de la production est poussé à sa limite : dans cette ligne, la destruction fait partie intégrante du processus. La machine fonctionne en circuit fermé, utilisant le produit de sa destruction comme matériau de construction. Les châteaux de sable se font et se défont inlassablement, sans que la machine se fatigue.

Le convoyeur entraîne les châteaux les uns après les autres, d’un bout à l’autre de leur voyage, suivant le cycle lunaire des marées qui, comme la vague, précipite leur fin. En effet, le dispositif suit une temporalité étrangère à celle des publics fréquentant ce lieu : il répond aux forces gravitationnelles des planètes, insensibles aux horaires de travail. L’engin se déclenche jour et nuit, amorcé par une horloge lunaire dont l’écran à cristaux liquides est à la fois le témoin et l’indicateur du processus à venir. Un nouveau cycle s’enclenche toutes les 12 heures 25 minutes 14 secondes, au moment où la progression orbitale de la lune dans le ciel a le plus grand effet sur les marées. Entraîné par cette force invisible, le convoyeur démarre, emportant froidement le château vers sa destruction totale et irrévocable.

Les banques se donnent traditionnellement l’apparence architecturale d’une forteresse, promettant sécurité et stabilité aux investisseurs. Ici, le dispositif nous place comme témoins de la chute de cette frêle forteresse. Le château s’écroule dans un rapport de perspective avec les gratte-ciel du centre-ville, sur lesquels s’ouvre la fenêtre. Le rapprochement du château et de cette vue panoramique donne l’illusion d’une échelle équivalente.

Lorsque la ligne de production s’active, les restes sont engloutis dans un moulin. Afin d’ajuster l’humidité, le dispositif s’abreuve à un distributeur à eau de bureau. La matière informe est ensuite entraînée à l’autre extrémité de la chaîne de production. Le sable imprégné et malaxé est déversé par la bouche de l’élévateur en un tas selon un volume exact nécessaire. Le tas est alors entraîné vers le moule articulé qui applique, suivant une force et une stabilité précises, une pression d’une tonne de part et d’autre de la pile. Un nouveau château est créé, puis le convoyeur se remet en route, entraînant le château hors du moule. Le cycle s’arrête lorsque celui-ci est placé face aux fenêtres de l’édifice, devant le spectacle vertigineux de la ville. La tour de 70 étages où se trouve l’installation a ceci de commun avec le château qu’elle est principalement constituée de sable. Les édifices de la ville, construits de béton et de verre, en sont effectivement principalement constitués.

Telle cette construction vulnérable qui se désagrège lentement, le monde bâti semble voué à devenir ruine et à finir emporté par les marées. Soulignons que le sable qui approvisionne l’installation a été extrait des plages du parc provincial Sandbanks, littéralement la « Banque de sable » de l’Ontario. Le sable, matière friable produite par un long processus d’érosion et d’accumulation, se forme par usure et s’entasse comme l’argent dans une banque.

Installée au sommet de la tour BMO, la machine traite le sable et le remet en circulation. Elle fonctionne lentement, offrant une expérience contemplative de ses cycles, rendant visibles les processus de production et de crise qui caractérisent notre modèle économique. Cette entreprise récursive de création et de destruction semble reproduire sa promesse un nombre indéfini de fois. Mais, bien que l’installation soit loyale à son engagement, elle contient son propre péril : métaphoriquement, le grain de sable dans l’engrenage peut bloquer la machine. La menace de son autodestruction est inhérente au fonctionnement du système.

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