Michel de Broin: une oeuvre publique à sauver, Éric Clément
La Presse
Artiste contemporain montréalais de réputation internationale, Michel de Broin essaie de sauver une de ses oeuvres d’art public. Entrelacement a été sérieusement endommagée par un entrepreneur, l’automne dernier, près du canal de Lachine. Propriétaire du lieu historique où se trouve l’oeuvre, Parcs Canada ouvre la porte à sa restauration, mais quel sera son avenir?
Installée en 2001 en bordure du canal de Lachine, lors de l’événement d’art public Artefact organisé par la revue Espace, Entrelacement est une oeuvre ludique de 40 m de longueur constituée d’asphalte et de peinture. Elle représente une fausse piste cyclable qui se perd en circonvolutions près de l’authentique piste cyclable du canal, non loin de la rue Saint Patrick.
Un pictogramme humoristique accompagne l’installation créée au sol, sur un parterre de pelouse, mais aucun panneau signalétique n’identifie cette oeuvre, qui est la seule qui soit demeurée à l’issue d’Artefact. Il faut dire qu’Entrelacement a une certaine réputation. Elle a fait notamment l’objet de publications au Canada, au Japon, aux États-Unis et en Allemagne.
L’automne dernier, un entrepreneur qui effectuait des travaux près de cette oeuvre a creusé une tranchée qui en a détruit des morceaux en la traversant de part en part. Michel de Broin a récemment fait part de sa mésaventure sur sa page Facebook et a reçu un grand nombre de réactions d’internautes, d’artistes et d’amateurs d’art.
Actuellement directeur de la Fondation Molinari, Gilles Daigneault était le commissaire d’Artefact en 2001. Sur le compte Facebook de Michel de Broin, il souligne avoir toujours eu un faible pour cette oeuvre «à la fois très poétique et très espiègle qui avait séduit tout le monde et qu’on avait adoptée naturellement comme une oeuvre permanente».
«Ça serait donc dommage qu’on la détruise à cause d’un malentendu. Sauf erreur, elle n’avait rien coûté à Parcs Canada, qui devrait avoir l’élégance de la faire restaurer. Ce bel entrelacement le mérite amplement.» – Gilles Daigneault, ancien commissaire d’Artefact, dans un message publié sur Facebook
Restauration à venir
Selon Michel de Broin, après quelques pourparlers cet hiver, Parcs Canada s’est engagé à restaurer l’oeuvre abîmée. «Ils vont la réparer au printemps, quand la neige aura fondu et quand le sol aura séché, a-t-il dit à La Presse. En échange de quoi je vais leur donner un coup de main, notamment leur fournir un plan détaillé de l’oeuvre. Ce sont donc de bonnes nouvelles, mais même si j’ai les droits moraux sur l’oeuvre, Parcs Canada pourrait toujours l’enlever à sa guise un jour ou l’autre.»
Le ministère fédéral a reconnu être «en discussion» avec l’artiste. La porte-parole de Parcs Canada, Isabelle Savoie, précise par courriel que le Ministère «souhaite collaborer étroitement avec lui afin de trouver une solution pour restaurer l’oeuvre d’une manière qui satisfasse les parties impliquées».
Entrelacement est donc à la recherche d’un propriétaire afin de la protéger à long terme. «J’aimerais beaucoup en faire don pour assurer sa pérennité, dit Michel de Broin. C’est toujours ce qu’un artiste essaie de faire avec ses oeuvres. Cette oeuvre est là depuis 15 ans.»
La sculpture horizontale fait partie du paysage urbain et est déjà perçue comme partie intégrante du quartier Pointe-Saint-Charles-Petite Bourgogne, estime l’artiste, qui a déjà proposé dans le passé au Bureau d’art public de Montréal de l’acquérir. Mais Valérie De Gagné, porte-parole de la Ville de Montréal, a dit à La Presse vendredi que «l’intégration de l’oeuvre de Michel de Broin à son site en bordure du canal de Lachine ne permet pas d’en faire don à la Ville».
«Il est donc impossible pour la Ville d’en accepter le don, en vertu des critères de sélection établis pour les dons d’oeuvres d’art public.» – Valérie De Gagné, porte-parole de la Ville de Montréal
«Personne ne semble vouloir assumer la responsabilité de l’oeuvre, regrette l’artiste. C’est là où est le problème. J’aimerais bien que quelqu’un s’engage à le faire.»
En attendant, Michel de Broin travaille sur son installation Castle Made of Sand, qu’il présentera dans la salle d’exposition du 68e étage de la banque BMO, à Toronto, à partir du 20 avril. Il s’agit d’une machine qui fabrique des châteaux de sable grâce à un mécanisme particulier constitué d’un convoyeur et de pistons. L’oeuvre comprend un cycle continu qui fonctionne grâce aux mouvements des astres, de la Lune et du Soleil.
L’artiste montréalais de 45 ans travaille également sur Dendrite, un projet d’oeuvre publique monumentale en forme d’escalier à trois branches qui sera installée dans le Parc central Kirchberg, dans la capitale du Luxembourg, l’été prochain. Une oeuvre belvédère qui lui a été commandée par un organisme public de ce pays européen.