A Logic of Being Against? Bernard Lamarche
Dissection, 1998
«[…] La résistance naît de l’affection contrariée d’une force pour une autre […] Elle n’affronte pas l’ennemi pour lui infliger une défaite, mais elle se débat avec l’adversité, dont l’adversaire n’est que le tenant-lieu, pour l’affaiblir et lui faire lâcher prise1.» – Françoise Proust Il y a quelques années, en 1996, la publication Rue Descartes proposait un numéro intitulé simplement De la résistance. La présentation de ce dossier, signée Dolorès Djidzek-Lyotard, proposait, dans ses toutes premières lignes, quelques usages acceptés du mot «résistance ». Elle notait que le terme trouvait son emploi dans l’art de la guerre, en politique, en physique et en économie, mais aussi en psychanalyse et en théologie. Toujours, notait l’auteure, ce mot allègue un jeu de force et demeure constamment connoté de stratégie. Or, avec les troubles sociaux récents qui ont marqué une actualité occupée par les tensions de la guerre ou par les inquiétudes et manifestations causées par l’avancée féroce de la mondialisation, on en arrive à la conclusion que le «contre » marque de plus en plus la sémantique de la résistance, qu’une logique de l’adversité se stigmatise autour de ce terme, lequel est, par ailleurs, de plus en plus délicat d’aborder en dehors d’un raisonnement d’ordre social. Devant ce constat, on en arrive à se poser une double question. Se pourrait-il, en des temps aussi embarrassés d’utilitarisme à courte vue que ceux dans lesquels nous vivons aujourd’hui, qu’on arrive justement à penser la résistance en dehors de la perception – elle-même associée à un certain romantisme – que celle-ci est menée par des corsaires de l’action militante? Et, dans un autre ordre d’idées, qui n’est somme toute pas tellement éloigné, y aurait-il lieu de penser une approche de la résistance séparée de l’idée même du « contre »? Ce faisant, en la débarrassant du militantisme dont il faut dire, par ailleurs, qu’il est de bon aloi, on aurait peut-être alors droit à une résistance qui soit volontairement inactuelle, bien qu’elle ne se complaise pas pour autant à baisser les bras devant l’action cuirassée des forces accablantes des institutions dominantes. Il s’agirait donc de penser la résistance hors du créneau de querelles partisanes ou de l’engagement politique et, du même coup, de la dégager de l’économie singulière des dispositifs pulsionnels pour lesquels la psychanalyse a fourni de précieux outils d’analyse. Résister avec, donc? On retrouve bel et bien dans la production de l’artiste montréalais Michel de Broin de telles dispositions. Chez De Broin, qui, par ailleurs, a consacré son mémoire de maîtrise au thème de la résistance, le terme ne repose pas sur des stratégies où ce à quoi il s’agit de résister est considéré comme l’ennemi. Plutôt, il est réfléchi comme un donné avec lequel il faut nécessairement composer. Dans ce contexte, le risque est grand de se retrouver avec une métaphore dont l’action serait réduite à néant. Or, il n’en est rien. Dans le travail de Michel de Broin, il se trouve que la métaphore de la résistance est abordée en ce qu’elle offre la possibilité de mettre au jour des enjeux politiques et sociaux sans convoquer toutefois le politique et le social dans leurs sens les plus manifestes. Ainsi, l’artiste s’approche de ce que Catherine Perret a nommé, dans une réflexion sur l’usage de la métaphore dans la philosophie de Françoise Proust, une des penseures les plus éloquentes de la résistance, la « potentialisation de la métaphore», laquelle permet de mettre en un extraordinaire relief le « mouvement de la métaphore dans la métaphore elle-même ».